In order for non-violence to work, your opponent must have a conscience.
Elle avait songé. Pas à ses choix qui l'avaient mené à ce moment-là ; à l'implacable froid du métal sur sa tempe. Et il n'y avait aucune pensée qui traversait alors son esprit, pas même l'ombre d'un soupir surpris.
Son silence l'entourait qu'elle imaginait comme le cri d'un muet. Elle s'efforça d'user de sa voix. La sienne.
– Doucement, souffla-t-elle. Elle transpirait, inquiète d'être découverte. Doucement, on peut discuter.
Elle était bête. Bête de ne pas avoir inventé un mensonge. Elle était pourtant si à l'aise dans ses eaux. Mais voilà qu'elle découvrait qu'elle se noyait déjà. Alors pourquoi avait-elle peur de se mouiller, songeait-elle.
Ce fut la première pensée qui traversa son esprit.
– Je me lève. Sa voix était rauque, comme si elle n'avait pas parlé depuis une éternité.
Ses mains n'étaient pas couvertes de sang mais elle tenait bien un morceau de métal. Une arme. Elle était déjà coupable d'un crime qu'elle n'avait pas encore commis. C'était amusant alors elle sourit.
Il est de ces farceurs à l’humour absurde, jouant aux montagnes russes avec le cœur de ses victimes. La haine a fini par ronger sa raison depuis un moment, les étiquettes qu’on avait fini par lui coller par sa nature. Gringalet. Il est devenu dément depuis qu’il s’est fait estropier. Assisté. Même s’il a vite réussi à compenser son handicap, toutes les portes se sont refermées et il devint ce dont la société l’a toujours traité. La haine. Il est devenu beaucoup plus rancunier, beaucoup plus malhonnête. Les ténèbres ont fini par assombrir son humour. On peut croire à une expérience de mort imminente avec lui, mais il est en vrac, c’est tout. Alors quand il a croisé une jeune femme, pendant qu’il sortait faire une balade et qu’il l’a vu se fondre dans la végétation, il n’a pas pu résister à l’idée de lui faire une farce. Il a attendu qu’elle se sente seule, qu’elle se croie protégée de tout danger et à ce moment-là il vient poser le bout du canon d’un vieux magnum. Il ne pouvait pas jurer ce qu’elle était venue faire par ici et il ne comptait pas l’empêcher d’aboutir à la raison de sa venue. Il veut simplement rire, une fois ou deux. Avec son humour détraqué et son corps en pièce détachée. Il l’entend, la respiration qui s’accélère peu à peu, malgré le silence qui règne, elle tente de garder le contrôle, elle pense encore qu’elle a une chance de s’en sortir en discutant. Beaucoup craquent aussi vite qu’on fait flamber une allumette.
Elle s’est relevée, prévenant le comique de l’action qu’elle engage. Il se prend pour un gangster en devenir, passe devant la jeune femme pour se montrer, faisant glisser le canon de son arme jusqu’au front de sa victime.
— Dis-moi choupette, j’ai une question très simple pour toi, j’aimerais que tu me répondes le plus honnêtement possible. Il baisse les yeux vers l’outil qu’elle tient en main et retourne au sourire qu’elle affiche. Ou avant que tu ne tentes de me matraquer ou de me poignarder. Je ne sais pas ce que tu as dans les mains après tout haha !
Il reprend un petit sourire narquois, bien conscient que cet échange risque de devenir un peu plus musclé. Il aime bien ceux qui ont du caractère, qui tentent de répondre. Il joue avec, mais il les apprécie sincèrement.
— La question est simple : qu’est-ce que tu veux qu’on retienne de toi quand tu auras disparu ? Il lève sa main désarticulée, vestige de sa vie détruite. Je suis déjà en piteux état, ne me brise pas plus que ça, tu veux.
Le culot. Il n’y a pas réellement de mauvaise réponse, mais ça l’intéresse tout de même.
In order for non-violence to work, your opponent must have a conscience.
Et elle vit ce visage. Dans ses yeux, elle aperçut folie et déraison. Rien n'était plus clair. L'air semblait changer d'odeur ; elle aurait voulu rire, promettre d'abandonner ses armes et son métier, tomber sous les coups de l'alcool.
– La question est simple : qu’est-ce que tu veux qu’on retienne de toi quand tu auras disparu ? demandait-il de cette voix si sereine.
Ce fut bref mais elle rit. Sincèrement. Profondément. Simplement.
Elle était là, à l'orée d'une forêt. Son fusil de précision était à ses pieds et sa vie menacée par un dément. Pourtant, elle affichait une étrange paix et même, son sourire était devenu provocant.
– Survivre me suffit, souffla-t-elle doucement. Elle savait sa vie écartée du danger, décida de se prêter au jeu. Alors ne tire pas, hein.
Felipa a toujours eu la sensation que le diable était humain et n'avait rien d'exceptionnel.
Le petit rire qui sort de la dame en face de lui ne le surprend pas. Manque de raison ou confiance en soi beaucoup trop importante, il ne sait pas trop ce qu’il se trame dans la tête de son interlocutrice, mais s’en amuse beaucoup. Il voit le canon du fusil à ses pieds dépasser et n’a plus vraiment de doute sur la raison qui l’a poussée à venir ici. Sa réponse l’amuse un peu plus encore, son visage se tordant dans un rire nerveux quand elle lui demande de ne pas l’abattre. Un rire gras, sans aucune animosité ; un rire farceur. Il relève un peu le pistolet, le reculant de sa victime, l’inspecte d’un peu plus près, le pointe du doigt.
— Oh ça ! C’est vrai qu’il est effrayant. La peur c’est surfait quand on a tout perdu, tu ne trouves pas ? Toi qui ne te contentes que de survivre après tout.
Il vient viser sa tempe avec quelques centimètres d’écart, rêveur. La gâchette à peine enclenchée, ce n’est pas une balle, mais un tissu imprimé « bonne réponse », comme un simple tampon d’approbation. Absurde façon de faire, mais qu’il sait être le plus révélateur sur quelqu’un. La manière dont elle a retrouvé son calme, ça l’impressionne. Il apprécie son côté rien à perdre, cette envie de résister tout en donnant l’impression de se résigner : elle a du caractère. Il prend une mine un peu plus sérieuse pour s’expliquer.
— On ne peut pas rendre sa peine douce, mais on peut l’atténuer. On peut rendre notre colère magnifique. Une détonation, qu’elle soit d’un revolver, d’un sniper ou bien d’une explosion… Il reprend son sourire, l’étirant avec ses mains. J’imagine bien ce que tu as prévu avec ce qui trône à tes pieds, mais j’aimerais savoir pour qui la balle est destinée. Je ne compte pas t’en empêcher, loin de là. Je suis curieux.
Il s’abaisse pour toucher l’arme du bout des doigts, la douceur de l’arme l’amuse, rien avoir avec celle que gardait son père dans le coffre à l’époque. Beaucoup plus rugueux, celui-ci, probablement beaucoup plus vieux également.
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