Aimer quelqu'un, c'est lui donner le pouvoir de nous détruire et c'est aussi la plus belle chose du monde. Peut importe combien de fois je devrais ramasser les pièces de mon cœur, je ne cesserais jamais d'aimer.
De caractèreJ'aime aider les autres, depuis que je suis toute petite. Je n'aime pas voir les gens souffrir, même si j'ai tendance à être aveugle à ma propre douleur et à la volonté d'autrui à faire du mal. Mon optimisme aveugle m'a joué bien des tours et, même si je sais désormais au plus profond de moi qu'il y a plus de mauvaises personnes que de bonnes, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a du bon en chacun de nous.
Empathique Altruiste Pacifique Protectrice Sensible Obstinée Pardon aisé Aveuglément optimisteAnecdotes/histoireAsbjörn,
J’ignore comment commencer cette lettre, alors même que je prie pour que tu n’en aies jamais connaissance. Mais mes vœux pieux n’ont jamais fonctionné, alors ce n’est pas aujourd’hui que les choses changeront, n’est-ce pas ?
J’ai grandi sans père, j’ai dû t’en parler une fois, peut-être, je ne sais plus. Mort avant ma naissance, accident, de ce que j’en sais. Ma mère n’aimait pas en parler et toute mon enfance, j’ai ressenti comme un manque. Un manque affectif, que j’ai essayé de combler comme je l’ai pu. Mal, je l’admets. Je suis tombée sous le charme de la mauvaise personne, mais il m’a offert la plus belle chose du monde : toi.
Quand tu es né, je n’ai pas pensé un seul instant à comment j’allais t’élever avec mes horaires et mon salaire d’infirmière. J’ai juste pensé que tu étais la personne qui comptait le plus au monde pour moi et que je ferais tout pour te rendre heureux.
Alors oui, j’ai envoyé de tes nouvelles à ton père, parce que j’espérais encore que ça serait quelqu’un de bien qui poserait les yeux sur son fils et déciderait d’être là pour lui, pour que tu ne souffres jamais du même manque que moi. Peu importait à l’époque qu’il ne m’aime pas ; je pouvais bien faire semblant si c’était pour toi.
J’aurais sans doute dû me méfier lorsqu’il a accepté de te rencontrer seulement après l’apparition de tes pouvoirs. Mais tu me connais, je vois le bon d’abord chez les gens, pas le mauvais, et puis il s‘agissait d’un super-héros national, pourquoi me serais-je inquiété ? Alors j’ai laissé entrer le monstre dans nos vies avec un sourire et la naïve pensée que j’étais une bonne mère. Enfin.
Oh, comme je l’ai regretté.
Je me suis voilé la face. Longtemps. Je savais au fond de mes tripes que quelque chose clochait alors que ta peau se teintait de bleus et d’écorchures. J’étais infirmière, j’ai été formé pour me rendre compte des abus, surtout alors qu’il lui arrivait de lever la main sur moi. Mais j’ai voulu le croire quand tu m’as dit qu’il t’entraînait. Je voulais croire que j’étais son seul punching-ball.
Je voulais croire que je n’avais pas échoué à être un bon parent.
J’ai su que j’aurais dû croire mon instinct au premier accident. J’ai souri, j’ai fait comme si je ne savais rien, comme si j’étais qu’une oie blanche naïve et j’ai essayé d’agir. Aucune évasion ne se prépare en quelques jours, surtout si je voulais être discrète.
J’ai fini par trouver une solution. Un Japonais nous fournissait faux papiers et une nouvelle situation une fois rendus au Japon et en échange, j’aurais travaillé pour eux. Il y a toujours besoin d’une infirmière capable de retaper les gens, après tout. Et après le deuxième « accident », quand j’ai su que rester n’était plus possible ne serait-ce une seule seconde, j’ai tenté de fuir.
Parfois, je me dis que seul, tu aurais eu plus de chance de lui échapper et qu’en m’entêtant à vouloir partir avec toi, je nous avais condamnés à échouer.
Il m’a pris mes papiers et m’a menacé de t’enlever à moi si je recommençais. Je savais qu’il l’aurait fait et qu’au moins, si j’étais là, je pouvais te soigner, alors j’ai baissé la tête et je me suis tue. En apparence.
Disons que je ne suis pas étrangère à l’émergence des sales affaires concernant ton géniteur. Ça n’explose pas par miracle, ce genre de choses, avec le soin qu’il a pris pour se couvrir. Simplement, à force de nous côtoyer et de se faire détester, il a eu ce qu’il méritait.
Je regrette seulement qu’ils aient tout enterré, mais au moins, nous étions libres. Même s’ils ne nous y avaient pas poussé, je serais partie avec toi, pour t’éloigner de lui.
J’ai quitté le métier que j’aimais pour quelque chose de plus tranquille, tu es allé à l’école et j’ai espéré pendant quelque temps qu’on arriverait à se reconstruire, ensemble. Et puis, à tes dix neuf ans, tu es parti et j’ai compris que je ne te reverrais pas. Que tu avais besoin de te reconstruire loin de moi. Je l’ai compris et accepté. Comment aurais-je pu t’en vouloir de partir loin de moi, après t’avoir fait autant défaut ? J’espère que tu es heureux et que tu fais quelque chose qui te plaît.
Il me retrouvera. Sûrement. Mais je suis soulagée de pouvoir dire ce jour-là que j’ignore où tu es et que tu ne reviendrais pas pour moi. Il risque de ne pas apprécier, mais qu’y puis-je ?
Je ne te lègue rien. Il pourrait retrouver ta trace ainsi, il mettra sûrement sous surveillance mes biens et mon argent. Je refuse que ma mort lui soit utile.
Prends soin de toi et pardon d’avoir échoué en tant que mère.
- Lettre scellée jointe au testament de Astrid Ludvikdottir -